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méfiance, que dites-vous là, mon cher ? Savez-vous bien que si quelqu’un pouvait nous entendre je serais forcé de vous arrêter comme hérétique et blasphémateur du saint-office ?

— Et tu aurais le courage de le faire ? dit le pilote en frémissant.

L’Espagnol répondit avec le plus grand sang, froid : Je sais que tu m’as sauvé la vie une ou deux fois ; mais ce ne serait pas là une raison pour m’exposer à la perdre…

Les cheveux gris du brave marin se dressèrent sur sa tête ; il se leva brusquement de table, et, jetant au familier un regard furieux : Carino, s’écria-t-il, tu es un…

L’alguazil lui mit la main sur la bouche avant qu’il pût prononcer le mot fatal : N’achevez pas, dit-il, Dirk, mon ami ; vous savez que je ne pardonne guère et que mon poignard est bien affilé.

Mais le pilote le repoussa rudement, et, saisissant par le canon son mousquet qui était posé contre la muraille, et le fit tourner autour de sa tête comme une massue, en criant : Tire maintenant ton poignard, si tu veux !

Le fer brillait déjà dans la main de l’Espagnol ; mais Louis de Winchestre, se jetant entre les deux adversaires, les empêcha de sauter l’un contre l’autre. Dirk Dirkensen se rassit le premier, honteux de son emportement ; l’alguazil remit son poignard dans sa gaine et, tendant au Zélandais sa main désarmée : Touche là, dit-il, et une autre fois ne sois