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et mirent une barrière entre les soldats et celui sur lequel ils allaient faire feu.

Philippe II pâlit à cette vue ; car ces portes avaient été faites, d’après ses propres dessins, avec tant d’art qu’elles s’emboîtaient d’elles-mêmes en se rejoignant et qu’on ne pouvait les ouvrir du dehors. Il se trouvait donc enfermé dans son propre cabinet avec l’homme qu’il avait menacé du supplice, et cet homme était encore tout couvert du sang des soldats tombés sous son glaive redoutable : quelle résistance eût pu lui opposer le monarque déjà affaibli, infirme et peureux ?

Les hallebardiers, qu’un obstacle imprévu séparait de leur proie, essayèrent vainement d’ébranler ces portes massives : le Roi avait présidé à leur construction et les avait fait faire assez solides pour résister à tous les efforts extérieurs. C’était une précaution qu’il avait prise contre la malveillance : il avait cru par là se mettre à l’abri des coups de ceux qu’il aurait poussés au désespoir, et maintenant il se voyait victime des mesures qu’il avait calculées pour sa sécurité.

Pâle, tremblant, à demi mort, il tira son épée ; mais elle s’échappa de ses mains quand il vit le jeune Belge s’approcher de lui :

— Ne me frappe pas, murmura-t-il d’une voix étouffée par la crainte ; ne porte pas la main sur l’oint du Seigneur ; je suis le Roi Catholique, ne me frappe pas.

Sans daigner lui répondre un seul mot, Louis de