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bien ! je te les nommerai, moi, les amis de ton maître : d’abord la reine Élisabeth d’Angleterre ; puis Anne-Marie d’Autriche, avec laquelle on t’a trouvé tantôt. Tu souris, traître !

— J’avoue qu’il me semble étrange de voir Votre Majesté supposer une alliance entre le duc d’Albe et la reine d’Angleterre.

— J’en ai les preuves : sachez que, depuis l’entrée du duc dans les Pays-Bas, ses moindres démarches me sont fidèlement rapportées.

— Peut-être les dénature-t-on par de faux récits.

Le Roi changea de visage. La méfiance qui l’agitait continuellement se peignit dans ses regards, et, avançant la tête comme pour mieux entendre :

— Que dis-tu là ? s’écria-t-il : pourquoi soupçonnes-tu la fidélité de mes agents secrets ? Pourrais-tu me donner quelque preuve de leur perfidie ? Malheur, sept fois malheur aux parjures qui m’auraient trompé ! Mais non… je les ai trop bien récompensés… et cependant les bienfaits des rois ne sont jamais payés que par l’ingratitude.

Comme Philippe achevait ces mots l’heure de midi vint à sonner. Aussitôt il tira de sa poche un gros livre de prières, le posa devant lui, se découvrit la tête, joignit les mains, et, s’agenouillant d’un air dévot, il récita, en se frappant la poitrine, certaines formules auxquelles il attachait une vertu particulière. Ensuite il prononça à haute voix le premier verset de l’Angélus, et d’un coup d’œil il fit signe au Flamand de répondre. Louis de Winchestre, qui, sui-