Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
LE GUEUX DE MER

qui tenait bloqués tous les ports de Flandre. Il est vrai que ces intrépides patriotes n’avaient que de petits navires médiocrement équipés ; mais leur adresse, leur expérience, et surtout leur courage héroïque avaient brillé dans tant de combats, que c’était le comble de l’ineptie ou de la mauvaise foi que d’afficher du mépris pour de pareils adversaires.

Cependant, bien loin de contredire ou de désapprouver don Sandoval, la plus grande partie des auditeurs l’appuyaient hautement. Quelques marins peut-être souriaient, quelques gens sensés gardaient le silence ; mais les femmes, les prêtres et tous ceux qui ne connaissaient rien au métier des armes applaudissaient aux fanfaronnades de l’Espagnol : ils se joignaient à lui pour appeler de tous leurs vœux la défaite et le massacre de leurs propres concitoyens ; aveuglés par le fanatisme, ou avilis par l’esclavage, ils montraient pour ceux de leurs compatriotes qui voulaient secouer le joug une haine plus forte peut-être que celle des étrangers.

C’était surtout contre les habitants de Flessingue et des autres villes de Zélande, qui avaient embrassé le parti des révoltés, que se déchaînait la colère des habitants de l’Écluse. Quoique unis à ces mécontents par les liens d’une origine commune et d’une longue fraternité, l’esprit de parti étouffait dans leur cœur toute autre considération, et beaucoup d’entre eux protestaient qu’ils sacrifieraient volontiers leur fortune pour contribuer au supplice de ces ennemis du trône et de l’autel.