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çant ces mots le visage du prince était enflammé et des éclairs jaillissaient de ses yeux. Le mulâtre ne répondant point, Guillaume poursuivit d’une voix altérée : On l’a arraché de l’Université de Louvain et transporté au fond de l’Espagne, où il gémit dans une prison. Là de perfides instituteurs s’occupent sans relâche de lui faire oublier et peut-être détester son père. Plus cruels mille fois que les plus cruels bourreaux, ils se flattent de l’armer un jour contre moi, et de verser mon sang par les mains de celui qui me doit la vie! Jeune homme, l’auteur de ce forfait, c’est votre père, et je puis me venger !

— Frappez, dit le mulâtre qui crut sa mort inévitable, et quand je paraîtrai au pied du trône de l’Éternel, je ne déposerai point contre vous, car il est écrit : les fautes des pères retomberont sur leurs enfants.

Mais le prince, essuyant une larme que lui avait arrachée l’amour paternel, reprit d’un ton plus calme, et avec un regard imposant qui peignait toute la grandeur de son âme : La vengeance de Guillaume de Nassau ne sera point celle d’un homme injuste et sanguinaire : c’est en faisant rougir cet implacable duc d’Albe que je le punirai. Allez, jeune homme, vous êtes libre; allez près de votre père; dites-lui qu'il m’a enlevé ma fortune, mes amis, mon enfant, et que moi je lui rends son fils.

En achevant ces mots il poussa son cheval en avant, pour se dérober aux remercîments du mulâtre.