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un Espagnol, un espion, un officier du duc d’Albe !

Au milieu de cette foule marchait effectivement un jeune homme, les mains liées derrière le dos : c’était un mulâtre. Conduit devant le prince il ne montra ni crainte, ni espoir : ses regards n’exprimaient qu’une curiosité mêlée d’admiration.

— Qui est ce prisonnier ? demanda Guillaume.

— Je le connais, répondit un de ceux qui l’avaient amené : c’est le capitaine de ces païens de soldats albanais qui se nourrissent de sang et de chair humaine ; il est né du commerce impur du duc d’Albe avec une diablesse !

Le prince, trop éclairé pour faire la moindre attention à une réponse qui annonçait une crédulité si aveugle, s’adressa au captif. Celui-ci, baissant la tête, répondit d’une voix sourde : Je suis fils du duc d’Albe et j’ai commandé ses Albanais.

— Fils du duc d’Albe ! répéta Guillaume ; et ses yeux devinrent étincelants. Mais, réprimant aussitôt ce premier transport, il lui demanda d’un air froid et avec une majesté calme : Comment êtes-vous tombé dans les mains de ces braves bourgeois ?

Le prisonnier répondit : Fuyant le camp de mon père, j’avais trouvé une retraite dans cette ville ; j’y vivais tranquille et je m’y croyais inconnu, quand tout à l’heure on est venu m’arrêter. — Et pourquoi vous étiez-vous fixé dans une ville occupée par mes troupes ? — Pour nous trahir ! s’écrièrent les bourgeois qui l’entouraient ; pour brûler nos maisons ; pour vous