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ments : il s’était déjà éloigné ; mais un domestique quelles chargèrent de le rejoindre vint tout tremblant leur rapporter que c’était un noir.

Cette nouvelle redoubla la curiosité de la douairière. Elle se décida à envoyer un billet à cet inconnu : Nous vous avons beaucoup d’obligations, lui manda-t-elle ; mais votre persévérance à nous suivre doit nous surprendre aussi longtemps que nous ignorons qui vous êtes. Pourquoi vous cacher ? votre intention ne peut être d’alarmer inutilement deux femmes !

La réponse du mulâtre fut courte : Je veille à votre sûreté, dit-il, parce que vous êtes chères à Louis de Winchestre. Je ne vous demande point de reconnaissance : que je sois utile à la bien-aimée de mon ami, et je m’estimerai heureux.

Quelque temps après Malines ouvrit ses portes à Bernard de Mérode, commandant d’un corps de cavalerie au service du prince d’Orange. Ainsi les deux dames se trouvèrent encore une fois au pouvoir des patriotes. La baronne se désolait. Cependant l’expérience qu’elle avait faite de la modération des prétendus rebelles la rassurait contre la crainte d’être persécutée pour ses opinions, et quoiqu’elle affectât de se lamenter sans cesse, peut-être au fond du cœur ne trouva-t-elle pas sa position si déplorable. L’ordre le plus parfait régnait dans la ville, les troupes observaient une discipline rigoureuse, personne n’était inquiété, les cérémonies du culte catholique continuaient sans interruption, les ordonnances des magistrats se faisaient au nom du Roi ; en un mot, chacun