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— Moi, s’écria le jeune homme, en levant les yeux au ciel, moi justifier le duc d’Albe ?

Jusque-là le mulâtre, debout derrière son ami, n’avait paru prendre aucune part à la scène dont il était témoin ; mais quand il entendit cette exclamation indiscrète, il frémit, et, se penchant vers le Belge, il lui dit tout bas : Malheureux ! voulez-vous perdre celle que vous aimez ?

Ces mots rappelèrent à Louis de Winchestre la nécessité de se contraindre. Il se tut ; mais, agité par les sentiments les plus vifs, en proie à l’anxiété la plus cruelle, il pâlit, baissa les yeux, et ses mains se serrèrent avec force.

Son émotion n’eût point échappé aux regards perçants du duc d’Albe, si lui-même, miné par une inquiétude continuelle, ne se fût laissé aller dans le même moment à une distraction si forte, qu’il entendit à peine l’exclamation du jeune homme. — Me justifier ! répéta-t-il, en revenant à lui ; vous n’en aurez pas besoin. Il suffira de remettre mes dépêches. Y consentez-vous ?

Le Flamand eut besoin d’un effort presque surnaturel pour ne pas se trahir. — J’y consens, répondit-il, d’une voix étouffée.

— Vous observerez la contenance du Roi pendant qu’il les lira, poursuivit le gouverneur.

— Je l’observerai.

— Vous ferez attention à l’expression de sa physionomie.

Le jeune homme fit un signe affirmatif.