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et contraints cependant à affecter de l’assurance et de la joie. Le duc levait-il les yeux, tous souriaient, tous avaient un air triomphant ; détournait-il ses regards, on voyait les lèvres se resserrer et les fronts se rembrunir.

— Eh bien ! messieurs, dit le gouverneur, que vous semble de la réception que j’ai faite au duc de Médina-Cœli ?

— Excellente ! — Merveilleuse ! — Admirable ! s’écrièrent-ils tous.

— Mais ne m’accusera-t-on point d’orgueil et de présomption ?

— On admirera la sagesse de Votre Excellence !

— On reconnaîtra la prudence de monseigneur !

— On ne donnera que des éloges au grand capitaine qui a immolé sa modestie au bien public !

— Mais le Roi, messieurs, que dira-t-il du respect que j’ai montré pour ses ordres ?

En dépit de la longue habitude qu’ils avaient de commander à leurs visages, plusieurs de ceux qui entouraient le duc froncèrent légèrement le sourcil ; mais ils furent plus maîtres de leur langue, et répondirent unanimement que Sa Majesté croirait sans doute devoir des récompenses à celui qui n’avait désobéi que pour la mieux servir.

Ferdinand de Tolède était trop difficile à tromper, pour que de vaines paroles lui fissent prendre le change sur les sentiments de ceux dont il voulait connaître l’opinion ; aussi un sourire dédaigneux vint-il effleurer ses lèvres.