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— On assure, répondit l’hidalgo, que don Juan de la Cerda n’a pas été fort bien traité par les gueux, lors de son débarquement.

Le duc sourit ; et la joie que lui causait cet échec éprouvé par son successeur à venir brilla dans ses yeux. No es nada[1], reprit-il ; cela apprendra à Son Excellence à aimer les Flamands.

Un autre conseiller annonça la révolte d’Enkhuizen.

— Enkhuizen ! No es nada ; c’est l’affaire du comte de Bossu.

— On parle d’une armée de protestants français qui marcherait sur le Hainaut, dit le vice-président, baron de Tysenach.

No es nada ; Chiapin Vitelli et mon fils Frédéric seront là. Mais vous, docte et respectable seigneur Viglius, vous dont nous avons si souvent regretté l’absence, n’avez-vous rien de bon à nous apprendre ?

Celui qu’il interpellait de la sorte était le célèbre Viglius Ayta de Zuichem, président du conseil d’État. Ce savant jurisconsulte, devenu ecclésiastique par précaution plutôt que par piété, avait précisément le même âge que le duc[2] : mais l’un, nourri dans les camps, avait conservé un corps sain et vigoureux ; l’autre, vieilli dans le cabinet, était accablé à soixante ans des infirmités d’un âge avancé. Cependant son

  1. « Ce n’est rien. » C’était le dicton familier du duc d’Albe. On le surnommait lui-même No es nada, par allusion à ces mots qu’il répétait toujours.
  2. Il y avait une seule semaine de différence. Viglius, épist. CXXXIX.