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tous ses membres dispos. Le caractère de cet homme fameux se peignait sur sa figure longue et décharnée. Son front élevé ; ses yeux perçants, ombragés par de grands sourcils plus noirs que l’ébène ; son nez recourbé comme le bec d’un oiseau de proie : tous ses traits révélaient l’orgueil, l’ambition et la soif du sang. De grosses moustaches et une barbe terminée en pointe cachaient le bas de son visage, sa lèvre inférieure restait seule à découvert, et cette lèvre saillante avait quelque chose de livide et de hideux.

Le duc, vêtu avec magnificence, portait le collier de la Toison d’or. Après avoir salué légèrement les conseillers qui s’étaient levés à son approche, il alla s’asseoir sur une espèce de trône réservé aux souverains, et en leur absence aux gouverneurs généraux. Tous les yeux étaient fixés sur lui : on attendait avec impatience qu’il déclarât le motif pour lequel le conseil avait été convoqué, et l’on cherchait à lire sur son visage le changement de sa fortune ; mais lui semblait prendre plaisir à tromper la curiosité de ceux qui l’entouraient, et il ne parla d’abord que de choses indifférentes.

— Nous sommes nombreux aujourd’hui, Messieurs, dit-il en faisant signe aux conseillers de s’asseoir ; il paraît que plusieurs personnes, qui se disaient indisposées, ont été guéries subitement. Je les en félicite.

Après avoir lancé ce sarcasme contre ceux qui n’avaient pas toujours plié devant lui, il demanda familièrement au conseiller de Rhoda s’il avait entendu parler de quelque nouvelle.