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LE GUEUX DE MER

payer les nouvelles impositions ; on a saisi nos troupeaux et nos instruments aratoires, on nous a chassés de l’humble toit qui nous couvrait.

— Distribuez-leur tout ce que contient ma bourse, s’écria la baronne en essuyant une larme. Les infortunés ! Ô ma nièce ! que je suis contente de pouvoir les secourir sans péché !

La jeune fille prit la bourse et allait leur donner l’argent ; mais tout d’un coup ces malheureux enfants s’enfuirent en poussant des cris de terreur, car ils venaient d’apercevoir au loin deux cavaliers espagnols. Telle était l’épouvante qu’inspiraient alors aux habitants des Pays-Bas ceux qui se nommaient leurs défenseurs.

Bientôt l’on arriva à l’Écluse, et le carrosse s’arrêta devant le portail gothique de la maison où la douairière faisait sa demeure. Les deux dames furent reçues avec de grandes démonstrations d’attachement et de respect par les nombreux serviteurs qui étaient rangés dans le vestibule, et, quand elles entrèrent dans le salon, l’aumônier, qui les y attendait, les félicita d’avoir accompli sans accident leur voyage.

Un repas splendide était préparé. Il fut précédé et suivi par de longues prières, que l’ecclésiastique récitait en latin, et auxquelles les dames répondaient : amen ! quoiqu’elles ne comprissent pas précisément ce que disait le saint homme. Au dessert la baronne annonça à sa nièce que, pour distraire sa mélancolie, elle voulait la conduire dès le même jour chez le bourgmestre de la ville.