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hommes, quand mon père fit choix d’un précepteur pour moi. C’était un ecclésiastique digne du ministère auguste qu’il remplissait. Il me trouvait sauvage et idolâtre ; il me donna les connaissances qu’exige la vie sociale et m’enseigna la véritable religion.

» Quelle douceur je trouvais dans les instructions de cet homme vertueux ! Comme j’aimais le Dieu qu’il me prêchait ! ce Dieu qui avait vécu douloureusement comme moi, et qui avait appelé à lui de préférence les enfants et les malheureux. Il me donnait un père, d’autres ne m’avaient montré qu’un bourreau.

» Par respect pour l’usage, il voulut me rendre familières les langues mortes, dont peut-être la connaissance ne m’a pas été aussi utile qu’il le pensait ; mais il ne me rendit point cette étude odieuse, comme elle l’est à presque tous les jeunes gens ; il se donnait tant de peine pour m’enseigner, que je ne trouvais que du plaisir à apprendre.

» Surtout je lui dois cette confiance dans la sagesse et dans la bonté de la Providence, qui m’a rendu faciles à supporter tant d’amertumes attachées à la vie, tant d’humiliations inévitables pour un noir.

« La mort de ce respectable vieillard fut encore une leçon pour moi : je le vis envisager avec calme sa dissolution prochaine, se réjouir de l’espoir d’un meilleur avenir et remercier Dieu qui l’appelait à lui. Je sentis alors combien les choses humaines sont