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— De quoi sont elles accusées ? reprit Del Rio.

— D’intelligence avec les gueux : Elles sont très riches, et la plus jeune passe pour une beauté. Je les ai fait arrêter ce matin et nous pourrons les juger maintenant, car la plus courte justice est la meilleure.

Le greffier du conseil, don Louis de la Torre, étant arrivé dans ce moment, l’on fit entrer les officiers du tribunal et l’audience commença.

La première cause qu’on appela fut celle des habitants d’un hameau dont la chapelle avait été pillée par des gueux des bois. Les prévenus étaient au nombre de trente-sept, les uns accusés d’avoir commis le crime, les autres de l’avoir souffert. Le greffier de la Torre lut l’acte d’accusation, rédigé en espagnol, et dont ces malheureux ne comprirent pas un seul mot ; ensuite le président déclara qu’ils avaient tous mérité la corde. Hæretici fraxerunt templa, dit-il dans son mauvais latin ; boni nihil fecerunt contra, ergo omnes debent patibulari[1]. — Etiam ! répondit le conseiller Hessels, que les reproches qu’il avait reçus empêchaient cette fois de dormir.

— Nous sommes tous innocents, s’écria l’un des accusés, qui portait l’habit ecclésiastique : le coup a été fait pendant la nuit ; ces pauvres villageois reposaient tranquillement, et moi, leur curé, j’étais allé porter le viatique à un malade.

  1. « Les hérétiques ont brisé les temples, les bons ne s’y sont point opposés, donc tous doivent être pendus. » Cette belle sentence de Vargas est rapportée par beaucoup d’historiens, ainsi que toutes celles que nous lui avons mises dans la bouche.