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LE GUEUX DE MER

après le vieillard visita de nouveau la salle où étaient réunies les armures de ses aïeux, il s’aperçut qu’on avait enlevé l’épée de cet illustre Louis de Gruthuysen qui avait le premier mérité le titre de prince[1].

Des mois et des années s’écoulèrent : l’indignation du vieux gentilhomme s’affaiblit avec le temps. Il voyait son pays dévasté par ces féroces Espagnols auxquels Philippe abandonnait les Pays-Bas : les campagnes devenaient incultes, les villes désertes, et l’élite des gentilshommes avait pris le parti de la révolte. Dans de pareilles circonstances, le seigneur de Gruthuysen se trouva disposé à excuser la faute de son petit-fils. Il en parlait quelquefois avec indulgence, et il était parvenu à étouffer les poursuites dirigées contre lui. Mais vainement avait-il souhaité faire davantage, vainement avait-il fait chercher partout l’impétueux jeune homme auquel son cœur avait pardonné, il ne put en obtenir aucune nouvelle, et tout lui fit présumer que le dernier des Gruthuysen avait péri sans gloire. Cependant il conservait encore une faible espérance ; chaque jour les pauvres qu’il nourrissait recevaient, avec ses dons, l’injonction de prier pour le retour de Louis de Winchestre, et chaque jour un prêtre offrait le saint sacrifice en faveur du jeune exilé.

Une femme, vêtue de noir, était toujours la première agenouillée devant l’autel où se disait cette

  1. Les seigneurs de cette maison portaient aussi le titre de prince de Steenhuyse.