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gence, mais je savais aussi que vous m’auriez retenu, et l’honneur m’appelait.

» C’est maintenant surtout, ô mon père ! que j’ose invoquer votre justice : je sais que le reste de mes actions va choquer les principes que vous avez adoptés ; je sais que jamais un Gruthuysen n’a marché sous l’étendard de la rébellion, mais je sais aussi que jamais tyran ne fut comparable au duc d’Albe.

» Je voyais mon pays opprimé par celui qui devait le défendre, et je connaissais trop le caractère du Roi pour attendre de lui le terme de nos malheurs. Guillaume de Nassau et une foule de braves avaient déjà donné l’exemple, justifié par nos constitutions, d’opposer la force à la violence. Je me demandai si leur cause était juste… Pardonnez-moi, mon père, si je blesse ici vos opinions ; mais, mettant à part toute considération personnelle, j’ai cherché de quel côté était le bon droit, et je l’ai trouvé du côté des patriotes.

» Que me restait-il à faire ? Un Gruthuysen demeurerait-il impassible spectateur de la lutte glorieuse qui s’engageait ? Ô mon père ! ne détournez pas les yeux : c’est pour mon pays que j’ai bravé la rage des Espagnols et le mépris de la multitude aveugle, c’est à mon pays que j’ai tout sacrifié ; celui que vous voyez à vos genoux est un gueux de mer ! »

Le vieillard, aussi pâle que la mort, lui jeta un regard douloureux. — Louis, dit-il, tu as souillé l’écusson de tes ancêtres ; tel est au moins mon jugement, tel sera celui des hommes : mais, dis-moi, ta con-