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plus condamnable que tu n’étais : oublions ton erreur et la mienne.

— Non, mon père, non ; je ne puis ni dissimuler ma faute ni vous cacher ma destinée ; vous me revoyez honteux de mon ingratitude envers vous et disposé à tout faire pour la réparer, mais non pas déserteur de la cause que j’ai soutenue, non pas assez faux pour professer des principes que ni mon esprit ni mon cœur n’adopteront jamais. J’implore votre pardon, mais je ne veux point vous tromper ; apprenez quelle a été la conduite de votre petit-fils, et vous jugerez ensuite s’il est digne de grâce.

— Parle, dit le vieux seigneur, parle avec confiance ; il n’y a point d’erreur que ne rachète un aveu loyal : raconte moi d’abord exactement les détails de cette malheureuse affaire qui t’avait attiré mon indignation, on en a défiguré le récit de mille manières ; j’attends de toi la vérité.

Le jeune homme répondit : « Vous savez avec quelle profonde douleur j’avais appris la mort des comtes de Horn et d’Egmont. Quoique bien jeune encore, je frémissais du malheur de ma patrie et je rêvais aux moyens de la venger.

» Un jour que, visitant nos riches domaines, je passais près de la chapelle antique où, dit-on, reposent les cendres du premier des Gruthuysen, je vis deux soldats espagnols arracher de cet asile inviolable un étranger, un vieillard, qui s’y était réfugié. Quel était le crime de cet homme ? je l’ignore ; mais les blessures dont il était couvert, son sang versé sur le