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CAMPAGNE DE TYR.

étaient loin d’être vierges ; il n’y a là, si j’ose m’exprimer ainsi, que des ruines de seconde main. Les colonnes, d’un effet si pittoresque, ne posaient pas sur leurs bases ; c’étaient des fûts brisés, enfoncés en terre comme des pieux, ainsi que cela a lieu dans les plus misérables Khans de la Syrie ; le bas des fûts est cassé et grossièrement rogné. La grande colonne, qui a l’air d’être complète, porte un chapiteau qui n’est pas le sien, et, si elle est sur sa base, ce qui est douteux, elle y a été sûrement remise. Les colonnes debout n’ont pas de cannelure ; la colonne qui était couronnée par les chapiteaux conservés en avait (pl. LV). Toutes les constructions de l’acropole portaient la trace des désordres les plus profonds ; à peine un plan s’y laissait-il entrevoir. De misérables constructions, enchevêtrées aux anciennes, masquaient l’aspect antique et le rendaient méconnaissable. Il devint bientôt évident pour nous qu’après la destruction de la ville autrefois située en ce lieu, des barbares ou de pauvres gens, à une époque inconnue, s’étaient blottis dans les ruines et s’étaient construit, avec les débris épars autour d’eux, de misérables abris. Heureusement, ces remaniements n’étaient pas allés jusqu’à altérer le caractère des matériaux primitifs. La vieille ville, si j’ose le dire, à l’inverse de ce qui s’est passé tant de fois en Phénicie, a été mise en morceaux, mais non digérée. Les membres des anciennes constructions se retrouvaient dans les combinaisons artificielles où on les avait fait entrer, et bientôt nous eûmes entre les mains les éléments de plusieurs édifices doriques et ioniques[1] qui avaient recouvert l’acropole, et qui appartenaient certainement, non à l’époque romaine, comme l’avait supposé M. de Vogüé, mais bien à l’époque grecque la plus pure. Les chapiteaux ioniens le disputaient par leur finesse à ceux des petits temples de l’acropole d’Athènes. Dans l’œil de la volute on remarque un trou pour la pierre précieuse, l’émail ou le petit antéfixe de métal, comme cela se remarque dans les chapiteaux du temple de la Victoire Aptère et de l’Érechthéum. On dirait un ouvrage imité de ce der-

  1. Planche LIII.