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ACTE QUATRIÈME


Un carrefour, dans la forêt, à la tombée de la nuit. À droite, un pauvre calvaire de bois se dresse sur des marches de pierre herbues et disjointes. Le soleil est couché derrière les arbres, et leurs hautes branches se dessinent, se découpent en noir sur l’ardeur rouge du ciel occidental. Les chemins de l’ouest sont éclairés de lueurs sanglantes, tandis que les ombres crépusculaires envahissent tout l’orient. Une brume, rose ici, et là bleue, monte de la forêt. Durant l’acte, les lueurs du ciel s’affaiblissent, agonisent, meurent, l’ombre gagne les chemins, la forêt s’assombrit ; le ciel, où quelques étoiles s’allument, devient d’un violet pâle, la nuit se fait progressivement.



Scène première

MADELEINE, JEAN ROULE
Au lever du rideau, une patrouille, conduite par un officier, traverse la scène. Aussitôt passée, Jean Roule et Madeleine débouchent d’un chemin et, la main dans la main, ils écoutent la patrouille dont les pas rythmés et le cliquetis d’armes vont se perdant dans la forêt. Ensuite, ils s’avancent vers le calvaire. À ce moment, les branches de la croix qui s’enlèvent nettement sur le ciel sont frappées d’un reflet orangé, qui s’éteint bientôt. Madeleine est en cheveux, drapée dans une mante sombre. Elle porte quelques lanternes de papier non allumées qu’elle dépose sur les marches du calvaire. Jean Roule écoute encore. Le silence maintenant est profond.


Jean Roule, presque bas.

Je ne les entends plus…