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Robert

Mon père !… mon père !…

Il fait un pas pour aller vers son père, et retombe sur son siège, accablé. Un silence.

Hargand

Écoute-moi encore ! Dans la vie, je n’ai pas eu d’autre passion… que le travail… non pour l’argent, les richesses, le luxe… mais pour la forte et noble joie qu’il donne… et aussi, depuis quelques années, pour l’oubli qu’il verse au cœur !… Je puis me rendre cette justice que mon rôle social, mon rôle de grand laborieux aura été utile aux autres, plus que les théories nuageuses… les vaines promesses… et les impossibles rêves… Par tout ce que j’ai produit, par tout ce que j’ai tiré de la matière… si je n’ai pas enrichi les petites gens… du moins, j’ai considérablement augmenté leur bien-être… adouci la dure condition de leur existence… en les mettant à même de se procurer à bon marché des choses nécessaires et qu’ils n’avaient pas eues, avant moi… et que j’ai créées pour eux… pour eux !… J’ai été sobre de paroles… mais j’ai apporté des résultats… fourni des actes… Est-ce vrai ?

Robert

Je n’ai jamais nié la bonne volonté de vos intentions… ni la persistance de vos efforts ?…

Hargand

Quant aux rapports sociaux que j’ai établis — au prix de quelles luttes — entre les ouvriers et moi… j’ai été aussi loin que possible dans la voie de l’affranchissement… tellement loin, que mes amis me le