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Mais cette patience a des limites… Elle est à bout, maintenant… ma patience…

La Femme

Ta patience ?… Ah ! oui, ta patience… parlons-en… Quand je me portais bien, tu ne prenais pas des airs hautains avec moi… Tu étais soumis… et tu marchais droit… tu étais un tout petit garçon… C’est depuis que je suis malade… depuis que je ne peux plus bouger de ma chaise longue… que tu oses me parler comme tu le fais, en ce moment… Ah ! cela est brave… De la brutalité… des moqueries… des reproches ignobles… des doutes odieux… de la colère… voilà tout ce que j’ai eu de toi… sans compter le tourment… l’affreux tourment que me donnent tes désirs crapuleux… et toutes les saletés de ta vie… (Le mari fait un geste violent. Énergiquement.) Oui, toutes les saletés de ta vie… homme vertueux !… Eh bien ! soit… Je ne te demande pas de la tendresse… de la consolation… de la pitié… le respect de ma souffrance… Non… de tels sentiments ne sauraient pénétrer un cœur dur comme le tien… Mais, je veux mes bonnes… je veux mes bonnes… (Avec une énergie croissante.) Je veux que tu me laisses mes bonnes… Elles ne sont pas à toi… Je ne les ai point pour que tu les écartes de leur devoir, pour que tu les débauches… pour que tu leur apprennes à me mépriser… à me détester… à m’abandonner. Je les ai pour moi… entends-tu… pour qu’elles soient toujours avec moi… pour qu’elles me servent… pour qu’elles me soignent… Moi aussi, à la fin, j’en ai assez… Et tu es un misérable… un misérable !… Va faire tes cochonneries ailleurs !