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ISIDORE, interrompant.

La grandeur… la grandeur !… Des mots tout cela… et qui ne veulent rien dire. Il n’y a qu’une chose par quoi un peuple, comme une institution, comme un individu, est grand… c’est l’argent… L’Église le sait mieux que personne, elle. (Un temps.)… Oui… oui… pour vous, nous sommes des bandits… des forbans… d’affreux pirates… C’est entendu… et c’est vrai… au fond… Mais… dites donc… des bandits qui ont fait quelque chose… des forbans qui apportent, tous les jours, leur contribution au progrès… c’est-à-dire au bonheur de l’humanité… de sales canailles qui remplissent leurs coffres… c’est possible… mais qui créent du mouvement partout… de la richesse partout… de la vie partout… Quand, autrefois, au temps de votre puissance… puisque vous invoquez les traditions… vous dépouilliez le peuple… au point de l’affamer… de ne lui laisser pour nourriture… que l’ordure des ruisseaux dans les villes… et, dans les campagnes… la petite motte de terre, où il posait le pied… Qu’est-ce que vous lui donniez en échange !… des coups de bâton, monsieur le marquis… Moi… je lui donne des routes… des chemins de fer… de la lumière électrique… de l’hygiène… un peu d’instruction… des produits à bon marché… et du travail… Moins d’allure que les coups de bâton… j’en conviens… Assez chic, tout de même… avouez-le… pour des forbans ?…

LE MARQUIS

Monsieur, je ne veux et ne puis vous suivre, en toutes ces polémiques de journal…

ISIDORE

Et vous avez raison… Assez philosopher… La philo-