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L’Église est dans le mouvement moderne, elle… Loin d’y résister, elle le dirige… et elle le draine à travers le monde… Elle a une puissance d’expansion, de transformation, d’adaptation, qui est admirable… une force de domination qui est justifiée, parce qu’elle travaille sans relâche… qu’elle remue les hommes… l’argent… les idées… les terres vierges… Elle est partout… aujourd’hui… elle fait de tout… elle est tout… Elle n’a pas que des autels, où elle vend de la foi… des sources miraculeuses où elle met de la superstition en bouteilles… des confessionnaux où elle débite de l’illusion en toc et du bonheur en faux… Elle a des boutiques qui regorgent de marchandises… des banques pleines d’or… des comptoirs… des usines… des journaux… et des gouvernements, dont elle a su faire jusqu’ici ses agents dociles et ses courtiers humiliés… Vous voyez que je sais lui rendre justice…

LE MARQUIS, ironique.

Vous êtes admirable ! Je ne vous savais pas cette éloquence…

ISIDORE

J’y vois clair, voilà tout !… Autrefois… elle mettait l’épée à la main de ses nobles et les envoyait à la guerre massacrer et se faire massacrer pour elle… Mais la guerre a changé de forme… par conséquent elle a changé d’armes… C’est par l’outil du travail et par l’argent que l’on combat aujourd’hui… Et la noblesse n’a su se servir ni de l’outil… ni de l’argent… Alors… nous les avons ramassés… Tiens, parbleu !

LE MARQUIS

Dans la boue et dans le sang…