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de tanneur en gentilhomme terrien, souffrait beaucoup, quoiqu’il affichât des opinions républicaines très avancées, de l’infériorité sociale de sa femme, et il s’irritait de ce qu’elle marquât trop, la naissance peuple et le passé de roture.

On ne possède pas, dans un pays, quatre cent cinquante mille francs de rentes en terre, sans qu’une grande notoriété s’ensuive. Lechat était donc le personnage le plus connu de la contrée, étant le plus riche, et il ne se passait pas de minutes qu’à dix lieues à la ronde, partout, on ne parlât de lui. On disait : « Riche comme Lechat ». Ce nom de Lechat servait de terme de comparaison forcé, d’étalon obligatoire, pour désigner des fortunes hyperboliques. Lechat détrônait Crésus et remplaçait le marquis de Carabas. Pourtant on ne l’aimait point, et, bien que les campagnards s’empressassent de le saluer obséquieusement, tous se moquaient de lui, le dos tourné, car il était grossier, taquin, fantasque, vantard et très