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mais on prétend que « ça n’a pas été plus loin ». D’ailleurs, depuis deux mois il n’entre plus au bureau de tabac : « Je ne fume plus », dit-il mélancoliquement.

Le rat de cave, lui, est très gai, grand chasseur, et d’une mise plus que négligée. Il arrive toujours pour dîner, en tenue de chasse, avec ses guêtres boueuses, son pantalon et son veston de toile bleue, maculés de sang. Le principal clerc le méprise un peu, parce qu’il trouve que la chasse au fusil manque de distinction et qu’il n’y a que « la chasse à courre pour être vraiment chic ». De là des discussions qui, la plupart du temps, dégénèrent en disputes. « Un perdreau ! s’écrie le principal, dédaigneusement, qu’est-ce que c’est que ça qu’un perdreau !… Parlez-moi d’un dix-cors, d’un sanglier, au moins cela signifie quelque chose. » — « Et ta meute ! » répond le rat de cave d’un ton froissé. Va donc, vieux limier ! Tu fais le pied dans les actes de ton patron, tu rembûches les souris dans les cartons de l’étude ! »