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jour, plus qu’au premier jour même, et pourtant ils comprennent que leur bonheur est à jamais perdu, et qu’elles sont défuntes à jamais, les espérances promises d’un avenir si beau. Jacques est jaloux, non d’un homme vivant, mais d’un mort, et, dès le lendemain de son mariage, une image s’est dressée entre sa femme et lui, une image implacable et maudite, l’image du premier mari.

Quand cette vision, subitement, se présenta à lui, il éprouva au cœur une serrée douloureuse, puis comme un étranglement dans la gorge. Il crut qu’il allait défaillir. Ainsi cette femme, sa femme à lui, Marcelle enfin, n’était pas tout à lui. Un autre l’avait possédée, et c’était cet autre qui avait éveillé la femme dans la jeune fille et bu, à s’en griser, les prémisses délicieuses du plaisir ignorant et révélé ! Ce qu’elle lui avait dit, lèvres à lèvres, elle l’avait dit à un autre. Ces baisers, ces étreintes, ces abandons, cette impudeur superbe de la femme qui se donne, tout ce par quoi il venait d’être affolé ? Une