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Et pour la première fois de sa vie, le père Dugué pleura.


Sa femme et lui avaient, sou par sou, amassé quatre cents francs de rente, sans compter les profits de la Duguette, qui continuait d’aller en journée et qui, plus que jamais, était demandée pour les repas de noce. Avec cela on pouvait vivre, à l’abri du froid et de la faim, tranquille, heureux, sans rien mendier à personne. Pourtant, le père Dugué était loin d’être heureux. D’abord, il ne sut que faire de ses journées qui lui semblaient bien longues et bien vides. Tout « chose », tout vague, il errait du verger au jardin, sarclait de ci, bêchait de là, mais ce menu travail, qu’il réservait autrefois à ses distractions dominicales, ne suffisait pas à l’occuper pendant toute la semaine. Non, « l’état d’rentier n’était pas son affaire », et jamais il ne pourrait s’y habituer. S’ingéniant à se créer des besognes qui trompassent son ennui, il fabriqua une échelle, remplaça