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Ses cheveux avaient blanchi sur sa figure rouge et ravinée par les rides : son grand corps maigre, jadis si robuste, se cassait en deux et s’inclinait, de plus en plus, vers la terre ; la force abandonnait ses membres qui tremblaient sous le moindre fardeau s’épuisaient à la moindre fatigue. Il dut se résigner à quitter le travail.

Le soir qu’il revint, pour la dernière fois, avant de remiser, au fond du cellier, ses outils désormais inutiles, le père Dugué alla dans le jardin, d’où l’on apercevait, par-dessus la haie d’épines taillées, les champs qui s’étendaient au loin. Sous le ciel crépusculaire, les champs s’endormaient, toujours forts, toujours beaux. La sève battait en eux, comme bat le sang aux veines des jeunes gens. Et longtemps il contempla cette terre, la « tè » bien aimée, la « tè » triomphante, la « tè » que la neige des hivers ne refroidit jamais, que ne dévore jamais l’incendie des étés, qui renaît toujours plus splendide de ses éternels enfan-