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— Pierre Kerhuon ! Pierre Kerhuon !

Et Kerhuon commanda :

— Guillaume, empoigne le mousse, et à l’eau ! jette-le à l’eau !

La chaloupe fuyait et la voix appelait toujours.

— Pierre Kerhuon ! Pierre Kerhuon !

Et Kerhuon commanda de nouveau :

— Toi, Joseph, prends la gaffe et, si le vieux aborde, un bon coup sur la tête ; tu m’as compris ?

La voix se rapprochait, devenait plus distincte.

— Pierre Kerhuon ! Pierre Kerhuon !

La nuit était à présent toute noire. Kerhuon ne voyait pas Jean Donnard, mais il entendait la voix, si près de lui qu’il crut que son souffle l’effleurait. Il frissonna.

— Pierre Kerhuon, écoute moi. Tu m’as tué… tu as bien agi… Je me suis mal conduit avec toi, je m’en repens… Et puis je suis vieux, j’ai fait mon temps. Tu m’as tué… C’est bien… mais le petit mousse,