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— Enfin, aujourd’hui, ça va mieux ?… Vous êtes plus tranquille ?

— Plus tranquille… plus tranquille ?… Enfin… on respire un peu, voilà tout… Oui, mais faut voir… faut voir, nom de Dieu… !

Ici, le colonel devenait songeur, et, sous les broussailles remuées de ses sourcils, son regard semblait pénétrer l’avenir… Je lui demandai brusquement :

— Est-ce que vous allez recommencer, dans vos ordres du jour, à traiter les pékins de sales cochons… et parler encore de passer votre vaillante épée à travers le ventre des cosmopolites ?

— Fichtre !… vous en avez de bonnes, vous !… Je vais d’abord laisser pisser le mouton… S’il pisse bien, c’est-à-dire si le gouvernement flanche… ah ! je vous réponds que je leur enverrai, par la gueule, des ordres un peu carabinés, à ces cosmopolites…

— Et s’il pisse mal, colonel ?

— Qu’entendez-vous par là ?…

— J’entends, si le gouvernement accentue sa fermeté, et qu’il prenne de sérieuses mesures défensives contre les excitations prétoriennes ?

— Alors, c’est différent… Motus, mon garçon… Ou bien je leur parlerai de mon respect pour cette garce de loi…, de mon obéissance à cette vache de République… Suis-je soldat, oui ou non ?… Donc, la main dans le rang, et par le flanc gauche !…