l’éternel Remords, dont il me semblait que j’avais, chevaleresquement, assumé la garde et soumissionné le respect. Et même, afin de détourner l’attention de ces gênants compagnons, à qui notre manège n’avait pas échappé et qui commençaient à considérer l’homme du désastre avec une évidente hostilité, je crus devoir, à plusieurs reprises et à haute voix, appeler celui-ci « Monsieur de Cœurléger », et, lui donnant la qualité temporaire de vigneron champenois, l’interroger sur la récolte des raisins : délicatesse dont son regard étonné m’apprit qu’il n’était point satisfait, au contraire. À quelques stations de là, les deux voyageurs descendirent. Nous étions seuls, désormais, et nous avions des heures et des heures, et des nuits à rouler sur les rails, entre des paysages indifférents. Aussitôt mon attitude bienveillante s’efforça, par tous les modes du sourire, à inciter M. Émile Ollivier aux plus intimes confidences, et, l’âme toute pleine d’une exorable tristesse, je dis, à part moi :
— Parle, pauvre homme, et vide-toi le cœur, vide-le, tout entier… Il n’y a rien de si bon et qui calme mieux, quand on souffre… Et si tu veux pleurer, pleure… ah ! pleure, je t’en prie… Ce n’est pas moi qui trouverai ridicules tes larmes !
Mais écoutait-il ce fervent langage intérieur ?
Non, il ne l’écoutait pas, car voici comment il parla :