Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/75

Cette page n’a pas encore été corrigée

Millerand ou Déroulède … il n’importe… Je demeure.

Logique, il ajouta :

— Par conséquent, il ne peut pas arriver que le Louvre brûle sous un autre ministère que le mien…

Après un court silence, où je lâchai la bride à mon admiration galopante :

— Ah ! monsieur le ministre, m’écriai-je. Ce ne sera pas une petite affaire, vous savez, que l’incendie du Louvre…

À quoi M. Leygues répliqua, solennellement :

— Il n’y a jamais de petites affaires… il n’y a que de grands ministres.

Et il vida une coupe de champagne.

On se leva de table. Je retrouvai plus tard, au fumoir, M. Leygues. Quoiqu’il fût fort entouré de gens à qui il distribuait, chaleureusement, la croix de la Légion d’honneur, je parvins à l’attirer dans un coin, et je lui dis encore :

— Vous m’avez très impressionné, tout à l’heure. En effet, je crois à votre inamovibilité ministérielle ; je suis convaincu que vous avez assez de ressources dans l’esprit et, dans le cœur, assez d’indépendance pour qu’une simple question d’opinion politique ou sociale soit un obstacle à… comment dirai-je ?… à votre immortalité ministérielle.

— Parbleu ! Je suis doué d’une sorte de lévitation morale qui m’enlève et me fait planer