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— Je vous prie de l’essayer, me dit mon maître.

— C’est que, objectai-je, je n’aime pas beaucoup entrer dans les habits d’un autre.

— Une livrée, déclara le baron, ça n’est pas des habits… C’est à tout le monde et ça n’est à personne… Celle-ci est, d’ailleurs, presque neuve. Il ne l’avait pas mise plus de dix fois, quand…

Il n’acheva pas la phrase, que coupa un pli grimaçant de sa bouche…

— N’importe ! insistai-je… je n’aime pas ça, surtout quand…

— Je l’ai fait passer à l’étuve…

Et, après quelques secondes de silence, il ajouta d’une voix moins timide :

— Je désire que vous l’usiez… On n’y voit plus les taches de sang… Je ne puis pourtant pas acheter tous les jours des livrées neuves… Chacun va selon ses moyens…

— Enfin ! soit, concédai-je… Mais monsieur le baron doit comprendre que ça n’est guère engageant… Encore, s’il n’avait pas été un assassin !…

— Il était très propre… répliqua le baron… Allons… essayez la livrée… Elle doit aller à merveille…

Ayant examiné ma taille, la largeur de mes épaules, il répéta :

— Elle doit vous aller… elle vous ira certainement…

Je pris la livrée et la dépliai. C’était une tenue bien