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la coque nacrée, laquelle s’irisait splendidement sous la lumière de la lune.

Ce fut, pour le douanier, une révélation soudaine, et il s’écria avec enthousiasme :

— Je vois ce qu’il faut… Il faut de la viande !

Il rapporta chez lui, le lendemain, une provision de ces mollusques pris parmi les plus gros et aux parties les plus nourrissantes du cadavre, les fit cuire, les mangea. Il les trouva tendres, fondant dans la bouche, d’une saveur délicieuse. Une simple aspiration des lèvres les détachait de leur coque, si facilement que la manœuvre trop lente et difficultueuse de l’épingle devenait inutile.

— C’est de la viande qu’il leur faut ! se répétait-il. C’est évident…

Le capitaine Kerkonaïc se garda bien de parler à quiconque de sa découverte, et, toute la nuit, il rêva de bigorneaux exorbitants et démesurés, de bigorneaux jouant et se poursuivant sur la mer, paraissant et disparaissant dans des bouillonnements d’écume, comme des baleines. Ce n’est que quelques années après, son service terminé, et lorsqu’il eut bâti sa maison, qu’il commença ses expériences. Il choisit dans la rivière un emplacement fait de trous rocheux, bien capitonné d’algues, et il y installa des parcs semblables à ceux que l’on établit en Hollande pour les huîtres, une suite d’espaces rectangulaires circonscrits par des murs cimentés, bas, garnis chacun