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» – Enfin… vous êtes un mendiant ?

» – Dame… monsieur le commissaire.

» – Oui !… oui !

« Le commissaire était devenu grave… Après un petit silence :

» – Votre domicile ?… interrogea-t-il à nouveau.

« Jean Guenille répondit, découragé :

» – Comment voulez-vous que j’aie un domicile ?

» – Vous n’avez pas de domicile ?

» – Hélas ! non…

» – Vous n’avez pas de domicile ?… Vous voulez rire, mon brave homme ?

» – Je vous assure que non…

» – Mais vous êtes forcé d’avoir un domicile… forcé par la loi.

» – Et par la misère… je suis forcé de n’en pas avoir… Je n’ai pas de travail… Je n’ai aucune ressource. Et, quand je tends la main… on me donne des sous étrangers… Par surcroît… je suis vieux et malade… J’ai une hernie…

» – Une hernie… une hernie !… C’est très bien… Là n’est pas la question… Vous avez une hernie… mais vous n’avez pas de domicile… Vous êtes en état de vagabondage… Vous êtes tout simplement, passible du délit de vagabondage… Ah ! mais !… ah ! mais !… Et s’il n’y a pas de lois pour les héros… il y en a contre les vagabonds… Je suis forcé d’appliquer la loi, moi… Cela me gêne… cela m’ennuie…