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souverain… que rien ne se fait que par moi, et que je fais ce que je veux…

« Il va demander son avis à un voisin qui connaît la loi, étant conseiller municipal.

» – C’est comme ça, père Rivoli… lui dit celui-ci d’un air d’importance. Il faut en passer par là… Et comme vous ne savez point écrire, je veux bien vous obliger de ce petit service… Je vais vous rédiger votre demande…

« La demande est partie. Deux mois se passent… Le préfet ne répond pas… Les préfets ne répondent jamais… Ils font des vers, ils flirtent avec les femmes de receveurs d’enregistrement, ou bien ils sont à Paris, où ils passent leurs soirées à l’Olympia, aux Ambassadeurs. Chaque semaine l’agent voyer s’arrête devant la maison du père Rivoli.

» – Eh bien… cette autorisation ?

» – Rien encore.

» – Il faut envoyer une lettre de rappel…

« Les lettres de rappel vont rejoindre, dans la tombe des bureaux, parmi d’inviolables poussières, la demande écrite sur papier timbré. Tous les jours le père Rivoli guette le facteur sur la route. Jamais le facteur ne s’arrête à sa porte. Et les brèches du mur s’agrandissent ; les pierres s’en détachent et roulent sur la berge, le mortier s’effrite, se soulève de plus en plus, car il est venu, pendant ce temps, une forte gelée ; et les plaies gagnent, rongent, de leurs lèpres, ce pauvre mur à demi écroulé.