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voisin… que je veux faire, pour vous, un sacrifice.

— Oh ! monsieur le marquis !

— Un très gros sacrifice… J’ai un coupé et une victoria presque tout neufs, dernier modèle, admirable fabrication… Si la marquise y consent, eh bien, mon cher, je vous les cède…

— Oh ! monsieur le marquis !

— Entre gentilshommes… que diable ! Ces voitures m’ont coûté cinq mille francs pièce. Et c’est à peine si elle ont roulé. Je vous les cède à deux mille chaque… C’est fou… Bast !… Qu’est-ce que cela fait ?… Et puis… quand je vous verrai dedans, avec Mme Chomassus, je pourrai encore m’imaginer qu’elles sont à moi… Je vais vous les montrer tout à l’heure. Pas de voitures, mon cher ?… Mais qu’est-ce qu’on dirait de vous, dans le pays ?… Halte-là !… Et j’ai aussi deux excellents carrossiers, que je veux vous céder pour rien… pour presque rien…

Il lui tapa sur l’épaule :

— Un attelage épatant, mon cher !… Que voulez-vous ? ça me fait plaisir… Je suis comme ça, moi… Dans la vie… parbleu !… on n’a pas tant d’occasions de rendre service à de braves gens.

Et le visage épanoui, avec des gestes affectueux, il ajouta :

— Retenez bien ceci : les choses qu’on donne à des amis sont cent fois plus agréables que celles qu’on en reçoit… Voilà comme je suis.