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à une grande chasse au lapin… Mais le matin même, il avait soin de faire fureter par ses gardes tous les terriers, et capturer tous les lapins, qu’on relâchait le lendemain… Le soir, au dîner qui terminait habituellement cette petite fête de famille, le marquis s’excusait auprès de ses hôtes déconfits et déçus :

— Je suis désolé, vraiment… Et je n’y comprends goutte… Mais le lapin.. il n’y a rien de plus capricieux que cet animal-là… Un jour, on marche dessus, à pleines bottées… et puis… le jour suivant… va te promener… il n’y a plus personne… C’est rudement malin… c’est fameusement contrariant… allez… ces vermines-là…

Et les bourgeois oubliaient un peu leur déconvenue, en buvant du champagne…

Le marquis se montrait également impitoyable pour sa pêche, bien qu’il ne pêchât jamais, mais uniquement afin d’affirmer, dans un temps où ils étaient si fort méconnus, les droits fondamentaux, les droits sacrés de l’autorité et de la propriété… Il possédait, de l’autre côté de la ville, et ne formant point corps avec son domaine, trois prairies qu’un petit bout de rivière traversait. Cette rivière d’eau claire et chantante, que n’empoisonnait nulle usine, était renommée pour la qualité de ses écrevisses… Défense sévère était faite de s’en approcher, et, afin que personne n’en ignorât, un écriteau en aval, un autre en amont délimitaient la zone interdite aux pêcheurs… Une