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Ils objectèrent que cela ne paraissait pas naturel… qu’on n’avait commencé aucun tracé… que pas un seul ingénieur n’avait été vu dans le pays… Mais le marquis n’était pas embarrassé pour si peu :

— Une halte… vous comprenez, mes braves… ça n’est pas une affaire… ça n’est rien du tout… Et les ingénieurs ne se dérangent pas pour si peu… Ils ont des plans… ils font les tracés dans les bureaux… Mais je vous le dis, c’est entendu… on commence la semaine prochaine…

En effet, cinq jours après, au petit jour, les paysans virent arriver un tombereau plein de pierres… puis un tombereau plein de sable…

— Ah ! ah ! c’est notre halte, firent-ils… Il n’y a plus à douter… monsieur le marquis avait raison…

Et ils allèrent porter dans l’urne leur bulletin habituel…

Deux jours après l’élection, un charretier vint qui rechargea le tombereau de pierres, puis le tombereau de sable… Et comme il s’en allait :

— Mais c’est notre halte !… crièrent le paysans.

Le charretier fouetta ses chevaux, et dit :

— Paraît qu’on s’est trompé… c’est pour un autre département…

Aux élections suivantes, les électeurs du canton réclamèrent leur halte, plus violemment que de coutume… Alors le marquis eut un geste grandiose :