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« La villa me plut. Joliment plantée sur la montagne, entre des massifs d’arbres, entourée de jardins, d’une architecture sobre et svelte, maître Barbot n’en avait pas exagéré les mérites. L’intérieur était d’une décoration claire, vibrante, d’un luxe discret, qui laissait toute leur importance aux paysages de verdure, de montagne et de ciel, au milieu desquels elle s’élevait.

« Je me souviens surtout de la chambre, une chambre jaune à meubles blancs, d’une douceur, d’une mollesse délicate et voluptueusement gaie, où les contours des objets, les tons de la chair acquéraient une extraordinaire finesse, une qualité de lumière indicible et pénétrante jusqu’au rêve. Quelques gravures licencieuses, des copies de Jules Romain, d’autres tout à fait obscènes, des Rops, je crois, ornaient les murs ; et, ça et là, sur la cheminée, les étagères, les tables, d’impures figurines de Saxe, mettaient des grâces de joli péché…

« C’est justement dans cette chambre que nous étions, maître Barbot et moi, quand, décidé à louer cette villa, je lui en demandai le prix.

» – Cinquante mille francs, pas un sou de moins… déclara-t-il, d’une voix ferme.

« Je sursautai. Mais le notaire m’invita à m’asseoir, et voici ce qu’il me dit, tandis que son regard blême était fixé sur moi, étrange, dominateur :

» – Cinquante mille francs… cela vous paraît cher, au premier abord ? Je le comprends… Mais je