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de moi ! Vous me faites, je vous assure, beaucoup d’honneur, beaucoup trop…

— Vous voyez bien ! soupira-t-il. Vous n’en avez même pas conscience.

Il eut un geste découragé, en harmonie avec le découragement qu’exprimait son visage… Et il professa :

— Vous ne respectez rien… Je veux dire rien de ce qui est respectable… Les hommes arrivés… les hommes en place… les hommes d’argent… les hommes d’esprit… Les hommes d’esprit ! Songez donc !… Tout ce qui nous reste d’un passé charmant et joyeux… Et les choses établies, les Académies, les Écoles des Beaux-Arts, les Palais de justice et les maisons de bienfaisance… les doctrines économiques de M. Leroy-Beaulieu… que sais-je… les théâtres… qu’en faites-vous ?… Et toutes ces institutions politiques et administratives que nous devons à Louis XIV, à Napoléon, et qui font la gloire persistante de notre République radicale-socialiste, qu’est-ce que c’est pour vous ?… Rien… Mais oui, rien… Moins que rien… Or, chez moi, monsieur, je veux qu’on respecte tout, tout… tout ce qui est consacré par la critique, par la mode, par la réclame, par n’importe quoi. Et je veux qu’on s’incline, une fois pour toutes, devant le pouvoir, en quelques mains qu’il passe et repasse ; devant la richesse, peu importe la façon dont on l’a conquise et dont on en use… devant le succès… Ah ! le succès, sur-