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général, il n’y a pas de pires ignorants, de pires imbéciles, de pires réactionnaires, par conséquent de plus dangereuses bêtes que ce qu’on appelle les hommes d’esprit…

Nous nous étions longuement entretenus des prix Nobel…

— Il en est ainsi de tous les prix académiques, disais-je… Ils ne sont jamais donnés au mérite, mais toujours à l’intrigue… et à la servilité… Pour obtenir un prix, il faut d’abord être candidat, c’est-à-dire être bien décidé, à l’avance, à faire toutes les besognes répugnantes et basses que suppose et que nécessite cette condition même de candidat… Quelqu’un qui désire un prix de littérature ou de poésie… par exemple… je parle des choses que je connais le mieux… doit d’abord offrir à l’Académie un nombre déterminé d’exemplaires de ses livres, ornés, à la feuille de garde, des dédicaces les « plus agenouillées ». Cette formalité humiliante remplie, il lance sur l’Académie en bloc, et sur chaque académicien en détail, la meute de ses protecteurs… Car il ne s’agit pas que l’Académie s’en aille découvrir quelque part le mérite ignoré et caché, le mérite fier, le mérite libre… Nullement… Elle ne doit connaître de la littérature et de la poésie de son temps, que ce qu’en contient la loge du concierge de l’Institut, où sont déposés les volumes des concurrents. Ainsi, voilà un écrivain, comme M. Charles-Louis-