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et qui, par leur fusion intime, loyale, doivent conquérir toute la nature et, avec toute la nature conquise, tout le bonheur !… C’est un peu, on le voit, l’application des doctrines collectivistes, avec cette différence essentielle, pourtant, que Émile Zola donne à l’individu un rôle moins diminué, moins asservi… plus créateur, et qu’il laisse à l’être humain une plus large expansion de sa personnalité…

Naturellement, cela ne va pas sans résistances, sans secousses, sans luttes… Et Travail est l’histoire de ces luttes et de ces efforts… Histoire infiniment émouvante où, peu à peu, à travers mille péripéties, l’on voit l’esprit nouveau l’emporter sur l’esprit de routine, où, devant les résultats acquis, les transformations lentes et successives, par des gradations habilement ménagées, en des scènes tour à tour terribles et délicieuses, nous assistons à ce spectacle de l’amour triomphant de la haine… jusqu’à la victoire finale, jusqu’à l’apothéose de la petite ville transformée par la joie, réconciliée dans la richesse, sans rien qui puisse, désormais, diviser les hommes, puisque tous ont le même intérêt… et qu’ils peuvent puiser, à pleines mains et à pleines bouches, aux sources de vie !…

Il y a parmi les personnages du livre une étrange figure et qui m’enchante par l’ironie de son symbolisme. Ce personnage est Ragu. Mauvais ouvrier, paresseux, ivrogne, débauché,