Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Dites donc, mon cher… si maintenant, nous allions pisser ?

Ah ! vous verrez qu’elles iront bientôt !…

Je viens de lire « Lilith », de Rémy de Gourmont, et j’engage fort les membres du comité de la Société des gens de lettres à relire ce savoureux poème en prose, déjà ancien, mais toujours si moderne ! Outre qu’ils goûteront un rare régal de beau style, d’ironie forte et de plaisant blasphème — car il n’y a encore que les catholiques pour blasphémer leur Dieu, sans doute parce qu’ils le connaissent mieux que nous — ils verront par quel étrange procédé Jéhovah, un jour de remords, se décida à créer la femme.

Au dire de Rémy de Gourmont, ce brave Jéhovah venait de créer l’homme. Il n’était pas trop content de son œuvre. L’ayant pétri dans de l’argile, il trouvait que l’homme sentait la boue. Pourtant, il l’avait lâché, tel quel, dans le Paradis Terrestre, sous la garde de l’ange Raziel, lequel était chargé de son éducation… L’ange Raziel montrait à l’homme ses organes et lui expliquait brièvement, mais clairement à quoi ils servent.

— Ceci pour marcher… disait l’ange… ceci, pour prendre… ceci, pour entendre… ceci,