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par la fraude, par le désagrément de l’amour et par le meurtre, au devoir sacré de la vie.

Mais il a vu le remède aussi. Il est dans le débordement, dans le pullulement de la vie… dans la création incessante, dans le défrichement perpétuel de la femme et de la terre, dans le réveil de toutes les forces endormies de la nature. Certes, la nature ne s’offre pas, elle ne se laissera conquérir que difficilement, atrocement, peu à peu, lopin par lopin… La fortune se fera longuement mériter… La vie libre sera d’abord accablante… Dans la condition nouvelle de paysan, il faudra subir toutes les luttes, toutes les hostilités, toutes les mauvaises volontés de ceux qui sont nés paysans et qui convoitent les cités, et leurs avantages trompeurs, le mirage des redingotes et des écus qui viennent tout seuls aux mains blanches… Rien ne rebute Mathieu, et tout l’encourage au grand œuvre de la vie… Courageux, fort de ses espoirs et des principes de fécondité qui sont dans la femme qu’il aime et dans la terre vierge qu’il a choisie, il accepte allégrement, d’un cœur tranquille et puissant, l’aventure merveilleuse. Il offre à la nature, non comme un sacrifice, mais comme une joie, l’effort de son âme et de son corps, vit, crée, agit enfin, en beauté et en simplesse… Et c’est l’ensemencement de la terre et de la femme ; c’est la récolte. C’est la nature de plus en plus soumise, la stérilité chassée du sol et de l’humanité, et la ri-