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II

Notre régiment était ce qu’on appelait alors un régiment de marche. Il avait été formé au Mans, péniblement, de tous les débris de corps, des éléments disparates qui encombraient la ville. Des zouaves, des moblots, des francs-tireurs, des gardes forestiers, des cavaliers démontés, jusques à des gendarmes, des Espagnols et des Valaques ; il y avait de tout, et ce tout était commandé par un vieux capitaine d’habillement promu, pour la circonstance, au grade de lieutenant-colonel. En ce temps-là, ces avancements n’étaient point rares ; il fallait bien boucher les trous creusés dans la chair française par les canons de Wissembourg et de Sedan. Plusieurs compagnies manquaient de capitaine. La mienne avait à sa tête un petit lieutenant de mobiles, jeune homme de vingt ans, frêle et pâle, et si peu robuste, qu’après quelques