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IX

À plat ventre sur la dune, les coudes dans le sable, la tête dans les mains, le regard perdu au loin, je rêve… la mer est devant moi, immense et glauque, rayée de larges ombres violettes, labourée par des vagues profondes, dont les crêtes, balancées çà et là, blanchissent. Et les brisants de la Gamelle qui, de temps en temps, découvre les pointes sombres de ses rocs, m’envoient des bruits sourds de lointaine canonnade. Hier, la tempête était déchaînée ; aujourd’hui, le vent a molli, mais la mer ne se résigne pas encore au calme. La houle s’avance, s’enfle, roule, monte, secoue ses crinières d’écume tordue, crève en bouillonnement et retombe écrasée, émiettée, sur les galets, avec un formidable cri de colère. Pourtant, le ciel est tranquille, l’azur se montre entre les déchirures des nuages vite emportés, et les goëlands volent très