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vaises, ces injustes, à ces odieuses paroles — oui, odieuses ! qui me sont échappées, l’autre jour, sans raison… Vous voyez bien que je suis encore malade… Je n’avais pas ma tête… C’était un reste de fièvre, de cette fièvre maudite… Non, je vous le jure, je n’ai pas eu conscience de ce que je vous ai dit… Je ne sais même plus ce que je vous ai dit…

— Ne parlons plus de ça !… puisque je n’y pense plus.

J’insistai vivement, pétrissant dans la mienne cette main qu’aucune chaleur n’animait.

— Si… si… vous y pensez toujours, vous y pensez plus que jamais. Quel malheur ! Vous croyez que j’ai voulu vous faire de la peine. Et pourquoi vous eussé-je fait de la peine, ma chère Jeanne ?… Là… voyons !… C’est de la folie ! De la peine à vous, qui avez été si admirable pour moi, qui m’avez soigné avec tant de dévouement… avec tant de… tant d’héroïsme !

— Oh ! d’héroïsme ! fit-elle avec un froid et ironique sourire.

— Oui… oui… d’héroïsme, mon cher petit cœur. Vous avez été héroïque, vous avez été…

Je cherchai un mot plus grandiose, plus formidable et, ne le trouvant pas, je répétai, en remplaçant par des gestes enthousiastes, ce mot qui ne me venait pas à l’esprit :