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VII

Cette scène violente ne me fut pas profitable. Ma femme m’en garda une rancune silencieuse, mais persistante, que ne purent effacer les humilités de mon repentir. Elle continua de veiller sur ma convalescence, comme elle avait veillé sur ma maladie, avec la même stricte ponctualité, un peu plus glacée, voilà tout. C’est tout ce que je gagnai à cet accès de révolte qui fut plus fort que ma volonté. Durant cinq jours — les cinq jours qui suivirent ce fâcheux et inutile drame, — Jeanne ne répondit que par de secs, par de durs monosyllabes, aux questions, d’ailleurs embarrassées et timides, que je lui adressais. Une fois, j’osai l’implorer.

— Jeanne !… Jeanne !… m’écriai-je. Vous pensez toujours à ces vilaines choses ?

— Pas du tout, je vous assure.

— Si, si… vous y pensez ! Je le sens, je le vois… Vous ne parlez plus… Vous êtes toute triste… Je vous fais horreur !… Jeanne, écoutez-moi… Venez plus près de moi… Donnez-moi votre main.

Elle allongea sa main vers moi, sa main froide et molle, une main de morte… Je poursuivis en couvrant cette main de baisers :

— Il ne faut pas faire attention à ces mau-