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sentir les rats et les souris, et je compris tout de suite que ce qu’il flairait en ce moment, ce n’étaient point des bestioles ordinaires.

— Mariette est là ! me dis-je… Elle est là, avec le menuisier.

Et, pour la première fois, je ressentis au cœur comme un coup.

Je fis quelques pas, doucement, sans bruit ; puis écartant le chien avec d’adroites précautions, je m’approchai de la porte, et j’y collai mon oreille.

D’abord, je n’entendis que mon cœur qui battait. Ensuite, un bruit se précisa, un bruit de paille remuée. On eût dit que des bottes de paille dégringolaient les unes sur les autres. Ensuite, une voix, une voix étouffée, dont il me fut impossible de distinguer si c’était une voix d’homme ou de femme… Ensuite, deux voix ensemble, deux voix étouffées, deux voix qui semblaient rire, ou pleurer, ou râler, je ne savais.

Et, tout à coup, n’y tenant plus, impatient de surprendre ces deux voix, dont l’une me semblait être celle de Mariette, je poussai la porte d’un coup de poing furieux, et j’entrai dans la grange. Mais l’étonnement — plus que de l’étonnement — une sorte de terreur m’arrêta sur le seuil ; et je vis, dans la pénombre que dorait un reste de jour pénétrant, avec